Quinze ans en arrière , l'intuition d'un possible plagiat de Burger m'avait conduit à me lancer désespérement dans la recherche des sources cachées de l'instinctothérapie. Cet effort n'avait pas pour seul objectif, contrairement au procès qui m'a souvent été fait, de déboulonner la statue de commandeur de Burger, comme on dynamite les statues des anciens hommes d'Etat après les révolutions. Si mon but avait été aussi mesquin, il est plus que probable que j'eus abandonné dans les premières années de mes recherches tellement celles-ci se révélèrent initialement désastreuses. Cet effort avait aussi pour but de trouver l'écho de cette intelligence de la vie dans la science et/ou la philosophie en Occident, afin de pouvoir parler de cette question majeure sans avoir à justifier de mon appartenance à une secte, une idée qui m'est rapidement apparue totalement insupportable dans les mois qui ont suivi mon départ de Montramé.
IL fallait aimer les idées ou être sacrément gonflé pour se lancer dans une tâche aussi démesurée avec pour seul bagage un diplôme d'une école supérieure de commerce, dont on ne dira jamais assez combien elles forment de nos jours les idiots utiles du système.
C'est donc avec un immense plaisir que je vous rapporte l'information suivante parue dans un magazine publié après guerre. A la question posée " pensez vous qu'on puisse tirer une morale de la science ? " , le philosophe dont l'ombre tutellaire plane toujours dans les couloirs de Normale Sup répondit que la morale apparait dès lors que le contrôle échappe aux instances biologiques (notez bien sur vos tablettes qu' il parle d'instances
biologiques alors qu'on aurait pu s'attendre, de la part d'un philosophe, à ce qu'il nous enfume avec le contrôle d'une "conscience morale" sentant son Kant et son camphre) et que dans ces conditions l'existence morale n'est pas autre chose que la récupération des possibilités naturelles de contrôle. Et le philosophe d'ajouter que le choix de récupérer cette possibilité de contrôle signe notre liberté d'être humain, une définition conforme aux canons de l'Eglise.
Difficile de trouver une formule plus réussie pour résumer la question de la morale scientifique de l'instinct alimentaire.
Je ne pense pas avoir de livres de cet auguste penseur dans ma bibliothèque (la vérité est que j'ignore ce qu'il y a dans ma bibliothèque) mais ce qui est certain c'est qu'elle va bientôt comporter quelques volumes supplémentaires.
J'en profite pour vous raconter une anecdote que m'a rapporté un universitaire français à propos du grand patron de la philosophie marxiste à Normale Sup. Il parait qu'il recommendait à ses élèves désireux de trouver dans l'oeuvre de Marx ou de ses épigones une anthropologie philosophique qui puisse substanter sa théorie économique tout en tenant compte des apports majeurs des sciences au XXeme siècle, de chercher cette anthropologie dans la science d'extrème droite. Comment interpréter une recommandation en apparence aussi saugrenue sans admettre l'existence d'un non-dit au sujet de l'instinct, concept fortement connoté à "droite" (on pense à Konrad Lorenz, Mac Dougall ... ) en ce qu'il renvoie immanquablement à l'immutabilité du vivant et des lois naturelles ?
Quand je revisite mon itinéraire intellectuel je me rends compte que j'ai fait le chemin indiqué, mais en sens inverse.
Je ne sais pas si l'anecdote est vraie mais ce dont je suis sûr et certain, c'est que cette histoire d'instinct alimentaire n'est pas faite pour les amateurs d'eau tiède ......