Pour manger sain, faire attention à la composition des aliments ne suffit pas Anthony Fardet - Chargé de recherche, UMR 1019 - Unité de Nutrition humaine, Université de Clermont-Auvergne, Inra
Edmond Rock - Directeur de recherche, Inra
Usuellement, le potentiel santé d’un aliment est défini en examinant sa composition en nutriments : teneur en glucides, lipides, protéines, vitamines, minéraux, phytonutriments…
Cette vision purement « nutritionnelle » de l’alimentation est cependant réductionniste. Elle ne rend pas compte pleinement du lien entre aliments et santé, car elle occulte une partie de leurs propriétés, celles dues à leur structure. Or en ignorant cet effet « matrice », on s’expose à des recommandations erronées. Ainsi, donner à un enfant des céréales de type riz ou blé complet pour son petit-déjeuner semble une bonne idée. Cependant la cuisson-extrusion ou le soufflage peut avoir tellement dénaturé la matrice de l’aliment qu’elle l’a transformé en une source de sucres « rapides » pour l’organisme. Et donc, au final, l’enfant absorbe un aliment riche en sucres simples, dont les propriétés sont très éloignées de celles de la céréale initiale.
Resté trop longtemps ignoré des nutritionnistes, ce concept est crucial pour bien évaluer le potentiel santé d’un aliment, en particulier à une époque où les produits ultratransformés ont envahi les rayons des hypermarchés.
Qu’est-ce que la matrice d’un aliment ?
Une « matrice » (du latin mater qui signifie mère) est un élément qui « fournit un appui ou une structure, et qui sert à entourer, à reproduire ou à construire ». Dans le cas des aliments, il s’agit en quelque sorte de leur structure tridimensionnelle. Les nutriments (ainsi que l’eau) qui la composent interagissent entre eux, ce qui confère des propriétés particulières, voire spécifique.
Prenons une amande : elle est dure, marron, plus ou moins poreuse, fibreuse. Si on la broie, sa matrice change : l’amande se présente désormais sous forme de poudre. Or si la composition d’une amande broyée est bien strictement identique à celle d’une amande entière, leurs effets dans l’organisme ne sont pas les mêmes. Les différences physiques se traduisent en particulier par une différence de digestibilité des nutriments, qui entraîne notamment des réponses physiologiques et métaboliques différentes.
L’effet matrice des aliments implique donc que « deux aliments de composition identique mais avec des structures différentes n’ont pas les mêmes effets sur la santé ».
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